J'aimerais partager avec vous un extrait de La Ferme Africaine, livre que j'aime beaucoup, et, quitte à le faire, autant que le sujet se porte sur celui des femmes. Puisque c'est plus ou moins le thème que je m'étais choisi au début de ce blog.
Pour une petite présentation générale, il faut simplement faire remarquer que le livre n'a rien à voir avec le film (Out of Africa). Ce n'est pas une histoire d'amour mais une série de souvenirs qui retrace la vie de la narratrice en Afrique dans les années 1910/1920. J'aime beaucoup ce roman parce qu'il me rend toujours très sereine et en même temps très nostalgique de ce lieu où règne la nature et la lenteur. Et je dois dire que le fait que l’héroïne présentée soit une femme sage, indépendante et intelligente n'y est pas pour rien. :)
Voici donc un extrait d'un chapitre consacré aux femmes somalies, tribu habitant en partie sur les "terres" de la narratrice:
"Les moindres plaisenteries les faisaient rire comme un triple carillon. Quand je leur appris à tricoter, elles s'en amusèrent autant que d'une bouffonnerie de cirque.
Leur innocence n'était point de l'ignorance; jeunes comme elle l'étaient, elles avaient été initiées aux mystères de la vie, elles avaient assisté à la naissance et à la mort, et en discutaient librement. Quelquefois, pour me distraire, elles me racontaient des contes qui rappelaient ceux des Mille et une nuits. Ces histoires, presque toujours comiques, parlaient de l'amour en termes assez crus. L'héroïne, qu'il s'agît de pures jeunes filles ou de courtisanes, s'y révélait toujours supérieure aux hommes dont elle finissait par triompher. Il fallait voir avec quel fin sourire la mère des jeunes filles les écoutait.
Dans le monde fermé des femmes, derrière leurs murs et leur défenses, je sentais le puissant idéal sans lequel la garnison assiégée n'aurait pas pu tenir aussi héroïquement. Cet idéal, c'est la croyance au retour de l'âge d'or, qui verra la domination de la femme sur le monde.
La vieille mère en prenait alors une tout autre allure, elle devenait le symbole de la Déesse mère, bien antérieure au Dieu du prophète. Pour les femmes, cette divinité n'avait pas cessé d'exister. Je dois dire qu'elles n'en perdaient point pour autant le sens des réalités immédiates.
Les jeunes filles étaient toujours très curieuses de tout ce qui touchait à nos moeurs, et à nos coutumes d'Europe et elles s'intéressaient particulièrement à tout ce qui avait trait à la toilette, à la tenue et à l'apparence féminine, comme si elles avaient voulu compléter leurs notions de stratégie, par quelques leçons sur les méthodes adoptées par d'autres rares pour séduire les hommes.
La parure et le vêtement jouent d'ailleurs un rôle primordial dans leur existence; on ne saurait s'en étonner, si l'on songe qu'ils constituent pour elles à la fois le matériel de guerre et le butin, témoins de la victoire. Les bijoux sont des trophées conquis de haute lutte. [...]
Ces femmes qui ne peuvent acheter une paire de pantoufles, ou disposer d'elles-mêmes sans l'autorisation de l'homme dont elles dépendent, que ce soit le père, le frère ou le mari, n'en sont pas moins le prix suprême de la vie. On reste confondu devant les prodigieuses quantités d'or, de soie, d'ambre et de corail que les femmes somalies savent arracher aux hommes. Ceci d'ailleurs fait autant honneur aux uns qu'aux autres."
Voilà :) à bientôt
C'est en effet parfois intéressant de se pencher sur les autres cultures. A notre époque où les femmes des pays occidentaux réaffirment haut et fort leur droit d'exister et d'être jugées à leur juste valeur, on est tenté de se demander si elles ont raison d'en demander toujours davantage, et quel est le sens qu'elles entendent donner à leur vie. J'ai été attendrie et admirative par les femmes turques qui nous ont été présentées, dans l'émission échappées belles, qui assises par terre préparaient ensemble le repas pour la famille. Leur devise ancestrale étant "estomacs bien nourris gardent les maris". Elles affirmaient à notre journaliste que chez eux c'était toujours l'homme qui prenait en premier la parole, mais qu'en fin de compte c'était toujours la femme qui prenait les grandes décisions.En un mot les femmes sont "le patron" de la famille. Elles semblent donc se satisfaire de leur sort et ne pas être prêtes à manifester dans les rues. Cela me laisse songeuse, bien que j'ai conduit ma vie d'une façon assez satisfaisante qui ne m'a laissé aucune frustration. Peut-être les femmes occidentales devraient elles réfléchir à un compromis entre leurs aspirations et ce qui peut apporter un bon équilibre à leur vie de couple. Milaine
RépondreSupprimerMerci pour cette réflexion Milaine mais je dois avouer que si j'ai mis ce texte ce n'était nullement dans un soucis de présenter cette situation maritale comme un idéal ou un modèle. C'était plutôt pour montrer des figures de femmes fortes et qu'il existe plusieurs modèles et que tous peuvent être acceptables si la femme parvient à y tenir une place respectable.
SupprimerEn outre je ne crois pas qu'il faille comparer ce genre de vie à celle à laquelle "les femmes occidentales" peuvent aspirer. Personnellement en tant que "femme occidentale" je ne vois pas bien pourquoi je ne manifesterais pas en faveur d'une émancipation totale de toute forme de cellule patriarcale et familiale contraignante. Pourquoi devoir faire semblant que c'est l'homme qui a le pouvoir quand on peut être dans une situation où on peut affirmer haut et fort que c'est nous-même les véritables responsables d'une situation. Et pourquoi devoir faire des compromis si l'on n'aspire même pas à être en couple? (Ce n'est que mon avis personnel; je suppose que pour quelqu'un qui souhaite une vie de famille, il faut sans doute s'organiser mais sinon...).
En tout cas je trouve cela bien de pouvoir avoir le choix et que celles qui ne se satisfont pas de leur vie puissent se bouger et en changer si cela leur plaît sans avoir besoin du regard d'un homme, quel qu'il soit, sur leur action, chose impossible par le passé et qui n'a pu advenir que parce que des femmes se sont levées dans l'histoire pour manifester.
troisieme essai pour te repondre : j'aime bien le passage : parures, arme de guerre et butin. c'est bien vu!
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