vendredi 8 février 2013

Portrait d'une Amante d'Hadrien

  Enfin, je dis "par Hadrien" mais je devrais plutôt dire "écrit par Marguerite Yourcenar se mettant à la place de l'empereur romain". Il est vrai que Les Mémoires d'Hadrien, que j'aime tant, n'est pas vraiment l'ouvrage qu'il faut lire si l'on recherche une réflexion un peu poussée sur la féminité. Telle n'est pas l'objet du bouquin mais puisque tout est bon à prendre dans cette somme de réflexions sages et humaines, je propose cette extrait où il est question du charme d'une des amantes de l'empereur.


  "Et pourtant, parmi ces maîtresses, il en est une au moins que j'ai délicieusement aimée. Elle était à la fois plus fine et plus ferme, plus tendre et plus dure que les autres: ce mince torse rond faisait penser à un roseau. J'ai toujours goûté la beauté des chevelures, cette partie soyeuse et ondoyante d'un corps, mais les chevelures de la plupart de nos femmes sont des tours, des labyrinthes, des barques, ou des nœuds de vipères. La sienne consentait à être ce que j'aime qu'elles soient: la grappe de raisin des vendanges, ou l'aile. Couchée sur le dos, appuyant sur moi sa petite tête fière, elle me parlait de ses amours avec une impudeur admirable. J'aimais sa fureur et son détachement dans le plaisir, son goût difficile, et sa rage de se déchirer l'âme. Je lui ai connu des douzaines d'amants; elle en perdait le compte; je n'étais qu'un comparse qui n'exigeait pas la fidélité. Elle s'était éprise d'un danseur nommé Bathylle, si beau que toutes les folies étaient d'avance justifiées. Elle sanglotait son nom dans mes bras; mon approbation lui rendait courage. A d'autres moments, nous avons beaucoup ri ensemble."

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